A la manière de la grande tradition littéraire du XVIIIe que firent Voltaire ou Madame de Sévigné, Marie-Claire Hoock-Demarle choisit le mode épistolaire comme terreau de l’analyse historique qu’elle entreprend de mener dans ‘L’Europe des lettres’.
Cette forme néo-romanesque de l’essai nourrit d’une intensité tout affective la densité politique de la construction européenne dont il est question. Une somme considérable de lettres anonymes surgit de l’intime pour éclairer amplement la sphère publique de ce qui furent les débuts de la mondialisation. Avec une mobilité de points de vue qui s’adaptent prodigieusement aux contours d’une géographie variable, et qui en fait un des meilleurs essais sur la période, l’historienne établit des connexions entre l’espace et le temps, les lettres et le temps, mais aussi entre les femmes et l’espace (politique).
En se projetant dans sa lettre au-delà des frontières, l’épistolière s’accapare un peu du champ politique qui lui est jusqu’ici refusé. De la distance parcourue à la durée écoulée entre l'envoi et la réception, la lettre impose ici son style : une manière de dire l’Histoire et d’avouer son exil.
Au fil de cette lecture essentielle, et qui se déroule avec la légèreté de celle qui fait les petites histoires, Marie-Claire Hoock-Demarle nous offre l’analyse passionnante d’échanges extraordinairement dynamiques selon un flux qui n’a rien à envier à la complexité du réseau moderne de communication. Longue vie à la plume !
L’Europe des lettres
Réseaux épistolaires et construction de l’espace européen
de Marie-Claire Hoock-Demarle
Editeur : Albin Michel
Publication :28/5/2008