Takeshi Kitano s'est érigé au rang de cinéaste culte en filmant des flics et des yakuzas à la dérive, des êtres broyés par les règlements et les codes d'honneur, étouffés par une vie qui balaye les proches et terrasse les confrères en un clin d'oeil. Kitano faisait du Fellini, du Ferrara, du Fukasaku avec la dimension tantôt zen, tantôt potache qui le caractérise.
Avec Aniki, mon frère (2000), Kitano clôturait par un ultime métrage son cycle sur les gangsters. Un ultime voyage en terre yankee comme pour boucler une boucle en se connectant à l'héritage occidental: un yakuza sur les terres du Parrain.
Depuis, Kitano, qui n'a rien perdu en talent, a décidé de verser dans, disons, l'expérimental. Mis à part la remise au goût du jour de Zatoichi, Kitano a réalise le barré Dolls, le très barré Takeshi's et revient aujourd'hui avec un très très barré Glory to the filmmaker. Rappelons que Takeshi Kitano est connu au Japon comme une sorte de Michael Youn local, un éternel perturbateur des plateaux télés, un clown border line.
Alors forcément, entre ce personnage décalé et les yakuzas suicidaires d'une partie de sa filmographie, on a du mal à suivre. Et il semblerait que Kitano, lui-même, ne sache plus vraiment qui il est, artistiquement parlant. Dolls, Takeshi's et Glory to the filmmaker sont des films d'un auteur qui expériment mais qui se cherche aussi. Takeshi's et Glory to the filmmaker sont des introspections, des visites guidées des couloirs et des méandres du cinéma. Kitano, pour être enfin pris au sérieux, semble ressentir le besoin d'expliquer, de se justifier. Comme pour permettre au public de mieux discerner les différents genres de sa personnalité. Dans Glory to the filmmaker, il pousse le concept un peu plus loin: il faut discerner un Kitano acteur, un Takeshi réalisateur. Le créateur a peur de se faire bouffer par sa création.