Synopsis: IVème siècle après Jésus-Christ. L'Egypte est sous domination romaine. A Alexandrie, la révolte des Chrétiens gronde. Réfugiée dans la grande Bibliothèque, désormais menacée par la colère des insurgés, la brillante astronome Hypatie tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles, avec l'aide de ses disciples. Parmi eux, deux hommes se disputent l'amour d'Hypatie : Oreste et le jeune esclave Davus, déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens, de plus en plus puissants...
Après sa trilogie très ancrée dans le registre film de genre (Tesis-Ouvre les yeux-Les Autres), Alejandro Amenabar avait surpris tout le monde en adaptant à l'écran la vie de Ramon Sampedro, handicapé lourd, qui décide de mettre fin courageusement à ses souffrances et à celles des autres. Le film était bouleversant et venait conforter le surnom outre-Pyrénées du jeune prodige : "Petit Spielberg" sans les boutons de manchettes , à savoir un cinéaste capable de vous faire naviguer du rire aux larmes, d'un genre à l'autre comme le grand Steven des Dents de la Mer à La Liste.
La surprise était encore de taille à l'annonce du projet Agora, péplum cérébral et métaphysique avec une femme comme personnage principal. Le genre n'est abordé par nos contemporains que très rarement et, ces dernières années, par uniquement d'énormes machines ambitieuses et au casting blindé de stars (Gladiator, Troie, Alexandre). Si l'on se penche sur les cas européens, il faut bien avouer qu'outre nos tentatives d'adaptation des aventures d'Astérix, il faut remonter au Technicolor pour avoir un vrai film du genre.
Avec Agora, Amenabar donne une leçon aux américains si souvent prompts à tailler dans les scripts des blockbusters pour ne garder que les scènes d'exposition et les batailles. Agora est sans doute le film le plus intelligent qui sortira cette année et sans doute le plus juste. Justesse de l'interprétation, des décors, de la mise en scène. Intelligence du propos, des conflits et de la géopolitique de l'époque, à savoir la cité d'Alexandrie au IVème siècle après la premier grand hippie de notre ère.
Amenabar dépeint avec vitalité et brio toute la fureur et l'effervescence d'un monde en plein bouleversement : un Empire romain dont les fondements vacillent, une religion qui émerge et la folie des hommes en ébullition. Les païens, les chrétiens, les juifs et déjà des guerres de religion. Le sujet a toujours été casse-gueule, aujourd'hui plus que jamais, mais Amenabar sait lui donner une dimension avant tout profondément humaine. Il ne tombe ni dans le reportage et ne prend surtout pas son sujet de haut. Il se permet même le luxe de donner une nouvelle dimension à la question religieuse en faisant s'interroger son héroïne philosophe sur la place de l'homme dans l'univers et sur le mouvement des planètes, faisant chanceler encore plus les faibles certitudes des hommes de son époque.