Le titre est somme toute modeste : c'est ici à un panorama d'une réelle richesse que se livre André Manaranche. Panorama historique en premier lieu : quasi tout le XXème siècle y transparaît.
André Manaranche est un jésuite, et c'est peu dire qu'à travers lui, toutes les caractéristiques (imaginaires ou réelles) que l'on associe à la Société de Jésus se révèlent. Celles-ci ont toutes trait à l'intelligence : intelligence de soi, intelligence des personnes et personnalités que l'on rencontre, intelligence – nous ajouterions : verticale et horizontale - des évènements.
Certes, André Manaranche se montre dans ce livre pressé, pour ne pas dire emporté par sa plume qui paraît avoir le souci, le besoin de tout dire, mêlant dans un même paragraphe, quand ne serait pas dans une même phrase – une même phase – la précision du détail à la G. Lenôtre et la considération plus intellectuelle, celle dont jouisse les meilleurs livres de religion actuels. Dans une première partie (mais, à vrai dire, la préoccupation court tout au long de l'ouvrage), notre père jésuite travaille et montre avec insistance qu'il a été travaillé par la différence pouvant exister entre le simple prêtre diocésain et le prêtre religieux. Avouons-le : pour le lecteur profane, cette précaution, cette préoccupation apparaissent dans un premier temps inutile, voire surannée.
Ce n'est qu'au fur et à mesure de la lecture qu'André Manaranche parvient à lui faire percevoir l'intérêt sous nombre d'aspects de la question. Il n'en demeure pas moins que les sphères ecclésiales ont passé des décennies à réfléchir à cette question avec un sérieux qu'on osera dire au sens toponymique du terme, déplacé, puisque la conclusion se réduit à ces mots : nulle opposition, mais parfaite, humaine et théologique complémentarité ! C'est l'histoire de l'Église de France vécue par un prêtre très peu gallican qui parcourt ces pages familières dans la forme (mais aussi amicales et d'un altruisme qui confine à l'humanisme bien pensé dont devrait faire montre au premier chef tout homme de Dieu)... et familiales dans le fond : famille auvergnate de Manaranche et nombreux ordres, congrégations, associations, séminaires de tous acabit, visités, enseignés par lui.
Le Père Manaranche veut tout brasser, tout confronter : gens, pratiques et théories. Il demeure jeune parce que c'est un esprit naturellement et foncièrement jeune – à l'image du Saint-Esprit dont une formule latine ne dit-elle pas que « jeune », il l'est éternellement ? Cette impression explique nous semble-t-il que ce panorama historique se double d'une analyse du panorama des discussions, des disputes théologiques vécues par l'Église d'une assez rigoureuse exactitude.
Dans le sillage d'André Manaranche, nous nous retournons vers les décennies passées et concluons à la justification de ses positions. Privilège du Juste, qui est d'abord celui qui a reçu le don de voir juste.