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Avis sur le livre : Un instant d'abandon de Philippe Besson

besson-un-instant-abandon.JPGDes spécialistes avisés du marketing agro-alimentaire avaient conçu naguère un système de poulailler industriel dans lequel on réveillait les poules au milieu de la nuit, en leur fabriquant un faux jour, pour qu’elles pondent davantage. Ça marcha très bien pendant un temps : on augmenta la production des œufs grâce à ce jour artificiel, des petits œufs tout blancs et insipides avec une coquille fragile. Mais ça ne dura pas : perturbées dans leur rythme naturel, les pondeuses devinrent folles, se volèrent littéralement dans les plumes et firent la grève des œufs avant de mourir tristement, plumées, décharnées, insomniaques, anorexiques et stériles…


La « rentrée littéraire », c’est un peu la même chose : on réveille les écrivains à date fixe et ça donne des petits œufs littéraires bien calibrés, à peu près insipides, par douzaines, par centaines, par milliers. J’exagère un peu, bien sûr, mais il y a tout de même de ça.


Prenons l’exemple de Philippe Besson. Après un beau premier roman (En l’absence des hommes), puis quelques autres plus ou moins réussis (Son frère, L’arrière-saison, Un garçon d’Italie, Les jours fragiles), il a pris le rythme de cette saison artificielle et on s’inquiète de le voir s’adapter si bien à ce stakhanovisme de poulailler qui lui fait pondre un nouveau roman à chaque rentrée. L’œuf de l’année s’intitule Un instant d’abandon. Sous leur jolie petite jaquette illustrée, ces deux cents pages nous racontent laborieusement l’histoire pathétique d’un pauvre marin pêcheur anglais, faux père d’un enfant qu’il laisse se noyer et revenant, après cinq ans passés en prison, dans le village où il est indésirable. Faux réalisme, faux décor, personnages plus que minces, phrases courtes, intrigue simplette, bons sentiments : c’est ce qu’on peut appeler un livre raté à la lecture duquel on s’inquiète du devenir d’un écrivain qui avait su imposer une couleur, une tonalité bien à lui dans ses premiers livres.

Ici, même la relation amoureuse avec Luke, le co-détenu qui a « de la beauté en grains sur les épaules » et qui viendra rejoindre Thomas, le narrateur, dans la dernière page (mais on l’avait deviné dès le début), est évoquée de façon tellement allusive et abstraite qu’elle en perd tout intérêt et toute crédibilité.

Dommage !

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